L’Argamasse
Le bulletin météo nous annonçait que le temps allait mettre son manteau de vent (80 kmh), de froidure et de pluie. Nous eûmes une petite farine intermittente, pas de froidure et aucun vent. Dans le temps suspendu et le silence des Hauts, les paysages des abords du Volcan sous une chappe de brume en altitude laissaient voir dans un air lavé par les pluies des jours récents le paysage sublime de la vallée de la Rivière des Remparts dominé par les crêtes d'où se détachaient le Cratère Commerson et le Piton Lacroix, celui-là même où l'ONF a procédé à une revégétalisation du milieu.
Nous allions donc arpenter un labyrinthe de sentiers au voisinage du Piton Argamasse.

Photo de N. CRESTEY
Quelques mots sur l'argamasse.
ARGAMASSE, subst. fém.
ARCHIT. ,,Plate-forme établie au sommet d'un édifice`` (J. Adeline, Lex. des termes d'art, 1884) :
Deux escaliers extérieurs mènent à la terrasse, flanquée de bastions et crénelée sur tout son pourtour. Deux grandes vérandas y dispensent une ombre épaisse et chaude : c'est là que Maxence retrouve, pour l'adieu, ses camarades. Entre les deux vérandas, le soleil s'étale sur l'argamasse. De là, un coup d'œil circulaire peut embrasser l'ensemble du dispositif. Psichari, Le Voyage du centurion,1914, p. 116.
Rem. Attesté dep. Ac. Compl. 1842 ds les princ. dict. encyclopédiques. − Ce genre de plate-forme en terrasse existe surtout dans les pays orientaux.
DÉR.
Argamasser, verbe,archit., vx. Construire une plate-forme dans la partie supérieure d'un édifice. (1838, Ac. Compl. 1842; dés. -er).
ÉTYMOL. ET HIST. − 1838 (Ac. Compl. 1842). Empr. à l'esp. argamassa « mélange de chaux, de sable et d'eau employé dans les ouvrages de maçonnerie ». Même mot en port., cat. et a. prov., début xives. (Rayn.). L'esp. (attesté dès 1190, doc. de San Román de Entrepeñas cité par Menendez-Pidal, Cid, 888, 26 ds Cor.) est composé du lat. massa et d'un autre élément d'orig. incertaine. Plusieurs hyp. L'étymon le plus probable est un préroman *arga (celte, ibère, etc.), peut-être apparenté au gr. α ́ ρ γ ι λ λ ο ς (lat. argilla « argile ») d'où dériveraient argayo ou argallo des dial. des Asturies et de Santander, « portion de terre et de pierres qui tombe en glissant d'une montagne », et le cat. aragall « sillon tracé par les eaux de pluie ». L'étymon argillae massa « masse d'argile » (Covarrubias), soulève des difficultés phonét. car il suppose un préroman *arga en relation avec gr. α ̓ ρ γ ο ́ ς « de couleur claire » et le lat. argilla, ce qui ramène à l'hyp. précédente. Simonet (Glossario de voces ibericas y latinas usadas entre los Mozarabes, Madrid 1888) identifie le premier élément de argamassa avec le lat. arch. et vulg. arger, -ĕris (class. agger) « tas de terre, accumulation de matériau », étymon acceptable du point de vue sémantique, mais présentant des difficultés phonét. : l'esp. remonterait alors à une forme *argare (le -g- lat. ne pouvant se conserver devant -e-) passée à *argane, d'où en composition *argane massa puis argamassa par fusion de -n-avec -m- [ces hyp. rapportées d'après Cor.]; le mot étant localisé dans la péninsule ibérique et en a. prov., il semble plus normal d'y voir un préroman; de plus en esp. c'est un mot de la lang. courante, l'empr. à une forme dorienne semble peu probable.
STAT. − Fréq. abs. littér. : 1.
BBG. − Chesn. 1857.
http://www.cnrtl.fr/definition/argamasse
Rappelons qu'à la Réunion l'argamasse désignait les "aires en paliers se trouvant dans « l'habitation » et sur lesquelles on faisait sécher le café fraîchement récolté." (in Jean Albbany, P'tit glossaire : Le piment des mots créoles). L'habitation ici à la Réunion désigne "l'ensemble du bien foncier, maison de culture, donné en concession aux premeirs colons. Au temps de l'esclavage, les esclaves allaient sous la conduite du commandeur, travailler sur « l'habitation »." (idem)
Pourquoi l'endroit où nous sommes ce jour a-t-il reçu ce nom ? La carte laisse deviner des aires étagées du Textor à l'Argamasse...
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Les premiers arbres rencontré sont des arbres-fontaines, de Petits Tamarins des Hauts, Sophora denudata. Sur les troncs des premiers observés, des jardins de fougères ti-lentilles.
Sur les bords du précipice donnant sur la vallée de la Rivière des Remparts, l'habituelle végatation éricoïde des abords du Volcan se résume essentiellement aux branles et ambavilles, quelques rares pieds de Petit bois de remparts, et un seul Psiadia argentea observé.
La route du volcan traversée, un sentier nous conduit au pied des antennes du Piton Textor où ronronne un moteur de bloc électrogène.
Les sous-bois et les bords du sentier à hauteur d'homme laissent voir de petites merveilles. Les rosettes observées sont-elles d'Helichrysum heliotropifolium ou arnicoides ? Ou d'une exotique ?
Nombreux sont les lichens, symbioses qui combinent deux règnes, le végétal et celui des champignons. Quant à leur reproduction, il nous a été donné de voir des apothécies. Voir ici les explications de N. CRESTEY.
L'arrivé au plan d'eau est un pur bonheur. Les salanganes y frôlent du bout de l’aile l'eau dormante du marais. Au loin quand la brume se lève, le Piton des Neiges.
Le reste est silence, le silence des Hauts dans les brumes immobiles de l'hiver austral qui approche.