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Sous les grands arbres exotiques de Cambaie


Le groupe fait connaissance sur le parking comme indiqué sur la carte envoyée par Nicole CRESTEY. Il fait beau et bon sous les grands arbres de la forêt de Cambaie ou volettent les papillons “ti l’ail” dans les branches des Pithecellobium dulce (Tamarins d’Inde). Après le traditionnel tour de table, ici sans table, Nicole CRESTEY présente le programme et les sorties. 

Elle rappelle également avec l’aide de Jean-Marc GRONDIN quelques notions fondamentales.

On parle de noms scientifiques et non de noms latins en taxonomie, pour la simple raison que tous les noms scientifiques ne sont pas nécessairement latins : ils peuvent être d’origine grecque ou malgache par exemple pour ce qui nous concerne. 

Les noms scientifiques ont leur propre histoire. Un savant peut avoir donné un nom scientifique qui a été un temps oublié. Un deuxième botaniste croyant découvrir la plante lui donne un deuxième nom. Un rat de bibliothèque fait le rapprochement. Le deuxième nom est alors écarté au profit du premier pour obéir à la règle d’antériorité. D’où l’existence de plusieurs rappels taxinomiques sur les sites sérieux comme celui du Conservatoire de Mascarin 

(http://flore.cbnm.org/index.php?option=com_florereunion&view=search&layout=frmsearch&Itemid=5). 

Ainsi le Prosopis juliflora (Sw.) DC. est aussi le Mimosa juliflora Sw.   [ s ]. 

Il existe de nos jours des indexes internationaux (anglo-saxons, français...) qui tentent de rationaliser un travail de Sisyphe au royaume des taxons. 

Les noms scientifiques ont longtemps été établis à partir de caractéristique morphologiques des plantes, notamment et surtout sur les caractéristiques des fleurs. Avec Darwin puis la découverte de l’ADN, la classification se fait désormais selon l’évolution et des arbres comme les Mahots sont devenus les grands frères de la petite saliette des bords de mer.

Les noms de famille de plantes ont aussi connu des zones de turbulence. Foin des légumineuses, vivent les fabacées par exemple.

Il existe des plantes dont il est difficile de trouver l’espèce. On indique la chose par un petit “sp”. 

L’usage de noms scientifiques évitent les confusions des noms vernaculaires qui peuvent varier selon la latitude et l’altitude, la longitude et la classe sociale. Corbeille d’or et Galabert n’ont rien à envier à la Queue de rat et au Bleuet. Les noms vernaculaires sont formés en fonction d’un aspect, d’une couleur, d’une odeur... On fera la distinction entre les “bois de ...”, arbres indigènes, de Bourbon et les “pieds de...”, arbres exotiques. On a ainsi des pieds de mangue (manguiers) et des bois de mangue. Il existe d’inévitables exceptions comme le Bois d’Andrèze.

Une plante indigène est une plante qui n’a pas été introduite par l’homme. 

Les plantes endémiques forment un sous-ensemble des plantes indigènes : elles ne sont trouvées nulle par ailleurs que dans le milieu considéré, pour nous la Réunion. 

Une plante exotique est une plante qui a été introduite par l’homme. 

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Arrivés sur le sable noir typique du rivage de la Baie de Saint-Paul, entre forêt et galets où se brisent les vagues, nous retrouvons les inévitables Patates à Durand, ci-dessus, du nom d’un monsieur Durand qui n’a jamais existé. Ce serait l’adaptation phonétique d’un nom malgache. Son nom scientifique pes caprae veut dire pied de chèvre, forme qu’a, avec un peu d’imagination et de bonne volonté, la feuille de la dite patate, qui appartient à la famille des liserons (CONVOLVULACEE). Plante pionnière, elle est l’une des rares à pouvoir coloniser un milieu hostile, le sable des plages de l’île, qu’elle a le mérite de fixer, quitte à laisser la place ensuite à d’autres espèces. Ses graines flottent et elle a pu ainsi coloniser les plages des océans tropicaux. Il existe des pratiques locales qui permettent de calmer des enfants envoûtés par des bains de mer et des bains de racines de patates à Durand au retour à la case. 

L’herbe le zin (Achyranthes aspera Herbe d’Eugène AMARANTHACEE indigène) dont raffolent les lapins est zoochore (ses graines sont transportées -chore par les animaux zoo-). Ces graines qui agrippent tout ce qui passe sont situées sur un longue tige qui se balance au vent. Le zin en Créole désigne l’hameçon.




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Quant à la Liane antigone, (Antigonon leptopus Liane antigone POLYGONACEE ), ci-dessus, on en faisait des couronnes de mariée et on en décorait les salles vertes en des temps plus anciens. 

Nombres des feuilles de Pongame (Pongamia pinnata PongameFABACEE) que nous avons vues sont creusés de galeries de mineuse. La bête naît minuscule et creuse de minuscules galeries dans la feuille pour se nourrir. La bête grossit et la largeur des galeries aussi. La galerie s’arrête là où la bête est sortie pour prendre son envol. Ces arbres aux troncs lisses sont appelés coqueluche à l’Île Maurice puisqu’ils ont la coque lisse. Ils offrent un bon exemple de reclassification après études génétiques comme mentionné plus haut : “Elle est plus connue sous le nom de Pongamia pinnata. De récentes études génétiques accréditent le nom de Millettia pinnata.” http://fr.wikipedia.org/wiki/Millettia_pinnata#Galerie). 

Ces arbres (Pongames, mais aussi d’autres aux alentour comme le Neem ou le Filao) ont été plantés par l’homme et ont modifié l’aspect d’un rivage qui était totalement désolé aux origines. 

Le Neem (prononcer Nîmes) est un arbre miracle pour ses vertus médicinales mais on peut aussi considérer que sa croissance en ces lieux tient également du miracle en ce que les conditions de survie sur ce rivage de sable noir semblent pires qu’au Sahël où l’on a aussi acclimaté cet arbre originaire de l’Inde comme l’indique son nom (Azadirachta indica).

Parmi les formes extravagantes ou raffinées que nous avons trouvées dans le monde végétal du littoral on retiendra le fruit de l’Acacia auriculiformis, fruit qui fait effectivement penser à une oreille très compliquée et très belle. Ses feuilles ne sont pas des feuilles mais des phyllodes — étymologiquement qui ressemble à une feuille (φ υ ́ λ λ ο ν) —, sans symétrie latérale.

Pour prolonger ces cuistreries étymologiques, on dira que le Filao est anémochore (graines transportées -core par le vent anémo-) et anémophile. La fécondation anémophile est un processus de pollinisation où les gamètes mâles et femelles des végétaux se rencontrent transportés par le vent. La douce musique des Filaos aux longs balancements des Alizés dit assez que Filao lui-même est anémophile (“qui aime le vent”). 


Nous quittons le littoral et son milieu hostile rendu plus supportable par ces plantations de grands arbres exotiques et pénétrons dans un autre milieu, un milieu d’eau douce quand nous arrivons à l’embouchure de l’Étang-Saint-Paul.

Nous y découvrons sur la berge des nids de tilapia. Le tilapia est un poisson et si le nid est à découvert c’est que les eaux sont basses. Le tilapia fait du gardiennage buccal (la femelle garde ses alevins dans la gueule) et des ravages regrettables : seules les espèces de poissons pouvant se cacher dans la vase, dont les anguilles, ont survécu dans l’étang où il a été introduit.

Les fruits du Porcher (Thespesia populneoides) ont des formes

 

qui retiennent l’attention. Ils flottent et l’arbre a pu ainsi affronter les flots océans et coloniser maints rivages. 

La jacinthe d’eau (Eichhornia crassipes Jacinthe d’eau PONTEDERIACEE) ou pensée d’eau a des flotteurs et peut envahir l’embouchure dans sa totalité. 

La laitue d’eau (Pistia stratiotes Laitue d’eau ARACEE pantropicale) flotte quant à elle grâce à ses racines dont les poils retiennent des gaz aidant à la flottaison. Essayez de plonger une laitue la tête en bas, elle se remettra immanquablement la tête en haut. 

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Le Toto Margot, ci-dessus, arbre des mangroves, a des fruits magnifiques, oblongs de couleur marron, qui font immanquablement penser à des bombes volcaniques. Ces fruits flottent et affrontent eux aussi les espaces océans pour coloniser maints rivages.

Nos enquêtes botaniques se terminent à la passerelle piétonne où autrefois le train lontan franchissait l’Étang.

Le pique-nique pris sous les frondaisons des grands arbres de la forêt de Cambaie permet de multiples échanges qui ne se limitent pas aux remarques botaniques.

 

© Cire 2012