LE PSYLLE DU LEUCAENA A LA RÉUNION



 LE PSYLLE DU LEUCAENA A LA RÉUNION

Importance des dégâts

et perspectives de lutte biologique FrançoisVandeschricke, SergeQuiLlCI,JacquesGauvin etYvesRoederer

F. V ANDESCHRICKE et Y. ROEDERER CIRAD-F0 rêt/0 .N.F.

7, chem in de l ’iRAT

Ligne Paradis

97410 Saint-Pierre

S. QUILICI

CIRAD-IRFA

Laboratoire d’Entomologie Station de Bassin Martin BP 180

97455 Saint-Pierre cedex

J. GAUVIN

Office National des Forêts Direction Régionale Colline de la Providence 97488 Saint-Denis CEDEX

Bois et Forêts des Tropiques, n° 234, 4’ trimestre 1992

Haie brise-vent de Leucaena leucocephala en protection de cultures fruitières. Leucaena leucocephala windbreaks protectingfruitfarming.

47


 48

RÉSUMÉ

LE PSYLLE DU LEUCAENA A LA RÉUNION Importance des dégâts et perspectives de lutte biologique

A la mi-décembre 1991, la pullulation d’un psylle jusqu’alors inconnu à la Réunion est observée sur Leu- caena leucocephala (Lam.) De Wit, une espèce largement utilisée en affouragement. Rapidement, des dégâts par­ fois importants sont remarqués sur la plus grande partie de l’île. Il s'agit d'Heteropsylla cubana Crawford, connu dans toute l’Asie du Sud-Est, le Pacifique et l’Australie pour ses attaques sur le genre Leucaena.

La lutte se met en place et s’oriente dans deux directions : lutte biologique et utilisation de variétés résis­ tantes.

La situation demeure cependant préoccupante car, au-delà de la Réunion, ce sont Madagascar et le conti­ nent africain qui sont menacés.

Mots-clés : ILE DE LA RÉUNION ; HETEROPSYLLA CUBANA ; LEUCAENA ; CALLIANDRA CALOTHYRSUS ; CONTI­ NENT AFRICAIN.

ABSTRACT

THE LEUCAENA PSYLLID IN REUNION

The extent of damage and prospects of biological control

In mid-December 1991, an outbreak of a psyllid hitherto unknown in Reunion was observed on Leucaena leucocephala (Lam.) De Wit (a species widely used for animal fodder). The damage, sometimes striking, soon spread over most of the island. The insect was identified as Heteropsylla cubana Crawford, known throughout the whole of South-East Asia, the Pacific and Australia for its attacks on the genus Leucaena.

Control methods are being prepared in two directions : biological control, and the use of resistant varieties.

Nevertheless, the situation gives cause for concern, for Madagascar and the African continent are threate­ ned.

Key words : reunion ; heteropsylla cubana ; leucaena ; calliandra calothyrsus ; african conti­ nent.

RESUMEN

LA PSILA DEL LEUCAENA EN LA REUNION T Importancia de los daños y perspectivas

de la lucha biológica

Hacia mediados de diciembre de 1991, la pululación de una psila en la Reunión, desconocida hasta entonces en esta región, fue observada en Leucaena leucocephala (Lam.) De Wit, que es una especie ampliamente utilizada como planta destinada a la alimentación animal. Rápidamente, se pusieron de manifiesto importantes daños en la mayor parte de la isla. Se trata de Heteropsylla cubana Crawford que se conoce en la totalidad de Asia del Sureste, el Pacífico y Australia por sus ataques contra el género Leucaena.

La lucha emprendida se orienta hacia dos direcciones : lucha biológica y utilización de variedades resis­ tentes.

La situación sigue siendo seria de cualquier modo, ya que, más allá de la Reunión, tanto Madagascar como el propio continente africano se encuentran al alcance de la amenaza.

Términos clave : isla DE LA REUNION ; heteropsylla cubana ; leucaena ; calliandra calothyrsus ; CONTINENTE AFRICANO.


 Ala mi-décembre 1991, nous avons découvert l’importante pullulation d’un psylle inhabituel pour nous

sur les haies de Leucaena leucocephala (Lam.) De Wit (« cassi »), utilisées en brise-vent sur la station du CIRAD-IRFA de Bassin-Plat, située à 150 m d’altitude dans le sud de la Réunion. Son identification, effec­

tuée par le Dr Hollis (British Museum), le 7 janvier 1992, montra qu’il s’agissait du psylle du Leucaena, Hete­ ropsylla cubana Crawford, jusqu’alors absent de l’île.

LE PSYLLE DU LEUCAENA

DISTRIBUTION GÉOGRAPHIQUE

Cet Homoptère Psyllidae a été découvert dès 1914 à Cuba. Présent dans la plupart des pays d’Amérique Cen­ trale et du Sud, il fut introduit en Floride en 1983 (Waterhouse & Norris, 1987). En 1984, il était signa­ lé aux îles Hawaii (Nakahara & Lai, 1984) d’où, dans les deux ans qui suivirent, il gagna très rapidement la plupart des îles du Pacifique (Cook, Guam, Nouvelle- Calédonie, Samoa, Fidji, Tonga, Vanuatu, Papouasie, Nouvelle-Guinée) et de nombreux pays d'A sie du Sud- Est (Philippines, Indonésie, Malaisie, Thaïlande, Viet­ nam, Chine...) ainsi que l’Australie (Mitchell & Waterhouse, 1986 ; Donaldson, 1986 ; Withington & Brewbaker, 1987 ; Waterhouse & Norris, 1987 ; Waage, 1987 ;Me Fadden, 1987).

Poursuivant l’extension vers l’ouest de son aire de dis­ tribution, le psylle fut détecté en Inde en 1988, au Tamil Nadu (Gopalan et al, 1988 ; Pratap Singh & Bhan- dari, 1988) et dans les îles Andaman (Belavadi et al., 1989). L ’ensemble de la péninsule indienne était infesté en 1989 (Pratap Singh & Bhandari, 1989). Une telle rapidité de dispersion sur une aussi vaste zone résulte très probablement d’un transport passif de l’insecte par les courants aériens (W A TERHOUSE & NORRIS, 1987). D ’après S. H o l l i s (communication personnelle), il aurait été observé à l’île Maurice en novembre 1991, soit à la même époque que dans l’île de la Réunion.

DÉGÂTS : IMPORTANCE ÉCONOMIQUE

Dans de nombreux pays où il a été introduit, ses dégâts ont été considérés comme importants et des straté­ gies de lutte ont été mises en place (WITHINGTON & Brewbaker, 1987 ; Me Fadden, 1987). Outre le prélè­ vement de sève et la production de miellat, les dégâts, surtout sensibles dans les climats les plus secs, peuvent se traduire par une défoliation complète, la mort des pousses terminales, l’inhibition de la floraison, de fortes attaques répétées pouvant même entraîner la mort des arbres (Thomas & Liebregts, 1987). L’importance du problème varie selon les pays et en fonction de la place du Leucaena dans les systèmes de cultures : haies, par­ celles monospécifiques... (PARERA, 1988). Aux Philip­ pines, trois ans après l’arrivée du psylle, on estimait que la diminution de production des Leucaena était de 50 % (ANON., 1990) ; des pertes de production du même ordre de grandeur ont aussi été observées au cours d’essais en

Australie (PALMER et al., 1989). Ainsi, à Java, les dégâts au niveau de l’agroforesterie ont pu être estimés à 2,8 millions de dollars entre 1986 et 1988. Cependant, dans d’autres régions, notamment certaines îles du Paci­ fique où le Leucaena est parfois considéré comme une peste végétale, l’arrivée du psylle n’a pas eu d’incidence économique ou a même été considérée comme béné­ fique.

BIO-ÉCOLOGIE

Les principales caractéristiques de la biologie d'H. cubana sont connues. Comme chez beaucoup de psylles, la femelle dépose ses œufs dans les tissus tendres des jeunes pousses où ils sont insérés par un petit pédoncule. Les œufs éclosent en deux-trois jours et le développe­ ment larvaire, qui comprend cinq stades, demande huit à neuf jours. Les femelles, qui vivent une dizaine de jours, commencent à pondre un à trois jours après l’émergence et déposent environ 400 œufs au cours de leur vie imagi­ nale (Takara etal., inW aterhouse & Norris, 1987).

Ce psylle est spécifique des Leucaena et de quelques autres Mimosaceae (W aterhouse & N orris, 1987). Tous les stades de l’insecte sont susceptibles de se déve­ lopper sur diverses espèces de Leucaena : ainsi, à Hawaii, huit des douze espèces présentes sont attaquées. Toutefois, certains cultivars de L. leucocephala et d’autres espèces de Leucaena semblent plus ou moins résistants au psylle, ce qui constitue une voie prometteu­ se de lutte, comme on le verra plus loin. Des adultes, ainsi que quelques œufs et jeunes larves ont été observés à Hawaii sur flamboyant (Delonix regia (Bojer ex Hook.) Raf.) et, à un degré moindre, sur Prosopis pallida (Humb. et Bonpl. ex Willd.) Kunth. Ces plantes ne per­ mettent toutefois pas à l’insecte d’achever son dévelop­ pement larvaire. L’espèce a également été signalée sur Piptadenia sp. en A m érique, dans sa zone d ’origine : Amérique Centrale et du Sud (Hodkinson & W hite, 1981) et sur Samanea (Albiz.ia) saman (Jacq.) Merr. et Parviflora roxburghii aux Philippines (B raza, 1987).

Doté d’un fort potentiel biotique, ce psylle est suscep­ tible de pulluler très rapidement lorsque les conditions deviennent favorables.

Ses populations montrent des fluctuations, souvent très brutales, liées à l’influence conjuguée des facteurs du climat, des phases de végétation du Leucaena et des ennemis naturels. Dans les zones où la pluviométrie est importante, les populations du psylle semblent limitées

49


 Adulte de Heteropsylla cubana sur Leucaena leucocephala. Heteropsylla cubana adult on Leucaena leucocephala.

(Braza, 1987 ; V illacarlos & Robin, 1989), ces conditions se montrant sans doute à la fois défavorables à l’insecte et favorables à la plante-hôte.

Le complexe d'ennemis naturels du psylle a été étudié dans différentes régions ; il comprend des champignons entomopathogènes, des parasitoïdes et des prédateurs : coccinelles, syrphes, chrysopes, punaises, fourmis et araignées.

Ainsi, en Chine, dix espèces de champignons entomo­ pathogènes observées sur les populations du ravageur ont été testées en laboratoire, les plus prometteuses pour la lutte biologique semblant être Conidiobolus coronatus, Conidiobolus sp. et Paecilomyces sp. (Hsieh et al., in WlTHlNGTON&Brewbaker, 1987).Lapremièreespèce est également présente en Nouvelle-Calédonie, où l’on rencontre en outre Beauv&ria bassiana (Bals.) Vuill., Conidiobolus sp. et Entomophtora sp. ( C h a z e a u , 1987). Aux Philippines, à Leyte, les pathogènes les plus fré­ quents sont par contre Entomophtora et Fusarium sp., suivis de Paecilomyces farinosus et Hirsutella citriformis (V illacarlos & Robin, 1989).

Un cortège assez large de prédateurs est associé aux populations du psylle. En Australie par exemple, celui-ci comprend treize espèces, dont sept Coccinellidae ( B r a y & Sands, inWithington & Brewbaker, 1987).Aux îles Hawaii, plusieurs punaises et notamment Parathri- phleps laeviusculus ont eu un certain impact pendant la phase initiale explosive des populations de psylle, leur rôle diminuant par la suite. Les prédateurs les plus importants sont toutefois les Coccinellidae et tout parti­ culièrement Curinus coeruleus Mulsant, dont les popula­ tions se développèrent brusquement de façon très remar­

quable peu après l’introduction du psylle aux îles Hawaii. Olla v-nigrum Mulsant, introduite du Mexique à Hawaii en 1908 pour contrôler des cochenilles, est égale­ ment importante dans certaines zones, ainsi que Cocci- nella septempunctata L. dans d’autres (W A TERHOUSE & NORRIS, 1987). A Trinidad, une fourmi, Wasmannia auropunctata (R.), semble contribuer dans une certaine mesure à la régulation naturelle des populations du psylle (POLLARD & PERSAD, 1991).

Des parasitoïdes ont également été signalés dans la zone d’origine du psylle. Ainsi, l’endoparasitoïde Psyl- laephagus yaseeni Noyes, Encyrtidae spécifique du genre Heteropsylla, a-t-il été récemment trouvé en Amérique Centrale, au Mexique et dans les Caraïbes (NOYES, 1990).

De même, un ectoparasitoïde Eulophidae, Tamarixia leucaenae Boucek, a été décrit de Trinidad (BOUCEK, 1988), puis signalé dans différents pays d’Amérique Centrale et des Caraïbes (I.I.B.C.*, 1991).

MÉTHODES DE LUTTE

A l’heure actuelle, il n’existe pas encore de méthode de lutte entièrement efficace dans les différents pays concernés et l’on s’oriente généralement vers un contrôle intégré de ce ravageur. Dans cette perspective, la lutte biologique et l’utilisation de la résistance variétale sem­ blent offrir des voies particulièrement intéressantes (Chazeau, 1987 ; Napompeth et al., 1987 ; Oka & Bahagiawati, 1988; Napompeth & Me Dicken, 1990).

‘ 50

Lutte biologique

Les essais de lutte biologique les plus prometteurs jusqu’à présent ont fait appel à certaines espèces de coc­ cinelles polyphages, susceptibles de se développer préfé- rentiellement sur les populations à'H. cubana.

Aussi, Olla v-nigrum, qui avait montré une augmenta­ tion en nombre de ses populations après l’arrivée du psylle à Tahiti, a-t-elle été importée en 1987 de cette île en Nouvelle-Calédonie, où elle s’est largement établie dans les deux ans qui ont suivi (CHAZEAU, 1991). Son cycle de développement rapide et son potentiel biotique important, lorsqu’elle est alimentée avec ce psylle, ont montré une bonne adaptation de ce prédateur à H. cuba­ na (Chazeau, 1991) alors que ce dernier s’avère toxique pour bon nombre de prédateurs polyphages, sans doute du fait de la dégradation métabolique de la mimosine de sa plante-hôte (N akahara et al., 1987 ; Chazeau,

1987). Aux îles Hawaii, l'espèce est fréquemment parasi­ tée au stade larvaire par un Encyrtidae (Homalotylus ter­ minalis) qui semble limiter fortement son efficacité (W aterhouse & Norris, 1987 ;Chazeau, 1991).

Toutefois, l’espèce qui semble la plus résistante est Curinus coeruleus. Cette coccinelle néotropicale poly­ phage (outre les psylles, elle peut s’alimenter sur coche­ nilles, pucerons ou aleurodes) avait été introduite à Hawaii à partir du Mexique dès 1922 pour lutter contre

* International Institute of Biological Control.


 Adulte de Cunnus coeruleus. Curinus coeruleus adult.

une cochenille du cocotier, Nipaecoccus nipae (Maskell). La croissance des ses populations à un niveau inégalé jusqu'alors, peu après l’arrivée du psylle à Hawaii, a suscité un intérêt certain pour l’utilisation de cette espèce en lutte biologique. A partir d’Hawaii, elle a été introdui­ te, puis multipliée en masse dans différents pays d’Asie du Sud-Est : Indonésie (M angoendihardjo, 1989 ; Sip- WANTO & S o e h a rd ja n , 1989), Philippines, Nouvelle- Guinée, Guam, (W aterhouse & N orris, 1987), puis récemment en Thaïlande, Vietnam et Inde.

L ’espèce est extrêmement vorace vis-à-vis d 'H. cuba­ na : les larves du quatrième stade consomment 328 œufs ou 127 larves de psylle par jour, alors que les adultes s’alimentent préférentiellement des larves du psylle, dévorant une centaine d’entre elles par jour (B a h a g ia - WATI et al. 1988).

Toutefois, cette coccinelle présente un cycle relative­ ment long, d’environ un mois (N akahara etal. 1987) et de faibles capacités de dispersion. Elle semble capable de contrôler de fortes populations de psylles mais non de rejoindre suffisamment tôt les zones de pullulation à'H. cubana pour y prévenir les premiers dégâts (W A TERHOU­ SE & N o r r i s , 1987). Comme à Hawaii, son introduction a, semble-t-il, donné de bons résultats en Indonésie, bien que ses populations ne puissent se maintenir dans les zones les plus sèches ( c a b , 1989).

L'utilisation de telles coccinelles polyphages pour lut­ ter contre H. cubana a fait l’objet de controverses. Dans certains pays, comme en Australie, il est en effet envisa­ gé d ’utiliser d ’autres espèces d ’Heteropsylla pour la lutte contre des pestes végétales comme Mimosa invisa Mar­ tius ex. Colla. Des prédateurs polyphages seraient sans doute susceptibles de s'attaquer également à ces psylles utiles (W aterhouse & N orris, 1987). Il importe donc

de bien considérer la situation particulière de chaque région avant toute décision d’intervention biologique.

Aussi l’attention s’est-elle portée, dans un deuxième temps, vers la recherche d'ennemis naturels plus spéci­ fiques, et notamment de parasitoïdes. Ainsi l’Encyrtidae Psyllaephagus yaseeni fut-il introduit de Tobago (West Indies) à Hawaii en 1985, puis relâché en 1987. Son acclimatation a été réussie, mais son activité semble assez fortement limitée par trois hyperparasitoïdes et, notamment, Syrphophagus aphidivorus (Mayr) ( F u n a s a - ki, 1988 ; N agam ine, 1989). Peu après, cet auxiliaire a été acclimaté en Thaïlande et son introduction est actuel­ lement envisagée dans différents pays d’Asie, dans le cadre d'un programme régional (CAB, 1990).

L ’ectoparasitoïde T amarixia leucaenae (Eulophidae) est actuellement considéréAcomme un candidat potentiel pour la lutte biologique contre H. cubana à Hawaii. Un de ses attributs intéressant est son cycle court (11,6 jours de l’œuf à l’adulte contre 16,8 jours pour Psyllaephagus yaseeni). Toutefois, comme pour P. yaseeni, sa spécifici­ té n’est pas stricte puisqu’il peut également parasiter d'autres espèces d'Heteropsylla (I.I.B.C., 1991).

□ Les variétés résistantes

Le genre Leucaena compte une trentaine d’espèces bien différenciées (morphologie, pollen, carte chromoso­ mique) et de très nombreux hybrides.

Depuis quelques années, les pays concernés (dont le nombre augmente progressivement) s'intéressent aux espèces et aux hybrides résistants aux attaques du psylle. C’est ainsi qu’à l’heure actuelle, on dénombre une quin­ zaine d’espèces résistantes et une soixantaine d’hybrides intéressants (B rew backer, 1991). Le n.f.t.a.* propose de tester des espèces ou hybrides résistants dans de nom­ breux points du monde afin de progresser dans cette voie.

Les principales espèces et hybrides testés (Floride, Hawaï, Chine du Sud, Philippines, Sri-Lanka, Nouvelle Calédonie) sont cités dans l’encadré ci-dessous :

L. leucocephala :K 636 —► K 527

meilleurs résultats dans les pays où les tests ont été effectués

L. diversifolia

L. pallida : L. retusa : Hybrides :

K 500

K 614

K8

K 584

K 156

K 784

K 785

K 376

K 502

L. leuco. K 636 x L. pallida K 376 = KX2 L. leuco. K 636 x L. diversi. K 156 = KX3 L. pallida K 376 x L. diversi. K 156 = KX1

* Nitrogen Fixing Tree Association.


 !

La plante-hôte, L. leucocephala (« cassi »), originaire semble-t-il d’Amérique Centrale, est naturalisée sous les tropiques. Elle est installée depuis longtemps dans les îles des Mascareignes.

A l’état sauvage, le Leucaena se développe dans les fonds de ravines et sur les terres délaissées et non entre­ tenues. Il est souvent planté en haies brise-vent, mais sa capacité au rejet et son fort pouvoir fructifère le rendent envahissant.

Son aire préférentielle se situe entre 0 et 600 mètres d’altitude. Il se développe rapidement et se montre assez tolérant quant à la qualité des sols. Il produit un feuillage et des graines en abondance toute l’année.

Au-delà de 600 mètres sur la côte Ouest (plus haut sur la côte Est), son développement se trouve fortement ralenti à la saison fraîche et il présente une période de défoliation qui augmente avec l’altitude.

Malgré la présence d’un peptide, la mimosine, qui peut provoquer la perte des ppils puis la formation d’un goître chez les animaux qui la consomment, si elle est absorbée à dose excessive, le feuillage est assez large­ ment utilisé en affouragement, en mélange d’environ 30 % avec diverses autres espèces. En saison sèche, lorsque les graminées et les fourrages verts se font plus rares, la pression d’émondage augmente sur Leucaena, que l’on va parfois chercher au fond des ravines.

Du fait de la large utilisation de cette légumineuse pour l'alimentation des cabris et pour constituer des brise-vent, l’impact socio-économique potentiel d'H. cubana à la Réunion est considéré comme non négli­ geable et justifie la mise en place d ’une stratégie de lutte.

* W aimanalo Leucaena Psyllid Trial. 52

□ RÉPARTITION GÉOGRAPHIQUE DU PSYLLE ET DÉGÂTS

Peu après la première détection de l’insecte à la Réunion à la mi-décembre 1991, de nombreux foyers d’intenses pullulations ont été très rapidement signalés en de nombreux points de l’île, dans les semaines qui ont suivi.

Une première enquête visant à déterminer l'aire d’extension du ravageur a rapidement été engagée en décembre 1991/janvier 1992, en liaison avec le Service de la Protection des Végétaux (S.P.V. — Réunion), la Fédération Départementale des Groupements de Défense contre les Ennemis des Cultures (F.D.G.D.E.C.) et le Ser­ vice d’Utilité Agricole et de Développement de la Chambre d’Agriculture (SUAD). Les foyers suivants ont été successivement signalés :

• Zone Ouest : Etang-Salé (20.12.91), Saint-Gilles Les Bains (22.12.91), La Possession/Grand Fond (30.12.91), Trois-Bassins 950 m (31.12.91),Cirque de Mafate (5.01.92), Saint-Paul (9.01.92).

• Zone Nord : La Bretagne (16.12.91), La Montagne 600 m (20.12.91).

• Zone Sud : Bassin-Plat (15.12.91), Petite Ile 300 m (27.12.91), Grand Bois (23.01.92), RivièreSaint-Louis (31.01.92).

• Zone Est : Hauts de Saint-Benoit (15.01.92), Sain­ te- Anne et Sainte-Rose (16.01.92), Saint-André, Ravine Creuse et l'Escalier (entrée du Cirque de Salazie) (27.01.92).

Compte tenu de l’aspect très spectaculaire des attaques, qui n’avaient jamais été observées auparavant, il est probable que le psylle soit arrivé dans l’île en 1991. En une période de temps très courte, ses dégâts ont

Les facteurs qui influencent la résistance aux psylles ne sont pas encore bien cernés.

Des hypothèses ont été proposées, selon lesquelles entreraient en jeu des métabolites secondaires comme la mimosine, des phénols ou des saponines, mais aussi la présence de mucus sur les feuilles ou encore la rétention d’eau des feuilles adultes.

Le taux élevé de mimosine peut parfois jouer le rôle d’insecticide : des études ont montré qu’il n'y avait pas de corrélation entre ce taux et la résistance aux psylles. En effet, certaines variétés qui possèdent un taux élevé de mimosine subissent des dommages importants face aux attaques de psylles.

Par ailleurs, Darma, Jinadasa et Sutikno (1989) ont montré que les taux de saponines sont positivement cor- rélés à la résistance des variétés aux psylles.

Par ailleurs, des études hawaiiennes (W aimanalo L.P.T.*) ont mis en évidence l’influence du type de taille du plant sur la sensibilité au psylle. Les tailles franches rendent les plants plus fragiles aux attaques par rapport aux tailles plus douces (laissant des feuilles adultes).

Enfin, il a été remarqué dans plusieurs pays que les attaques sont plus fortes en saison sèche. Une étude de Waimanalo L.P.T. en 1987 indique que les psylles, aux stades larvaire et imaginai, sont capables de remarquer des changements de la composition chimique des feuilles suivant les périodes de stress ou de conditions favo­ rables, et de modifier leur comportement (ponte, qualité des œufs, succion).

En conclusion, il ressort de ces études que les Leucae­ na modifient la composition chimique de leurs feuilles en fonction du niveau de stress, ce qui semble avoir de fortes répercussions sur les populations de psylles.

SITUATION ET PERSPECTIVES A L’ILE DE LA RÉUNION


 ensuite été observés sur une grande partie de l’île, ce qui renforce l’hypothèse d'une immigration passive par les courants aériens, sans doute en plusieurs foyers distincts. Notons que, presque simultanément, H. cubana a été détecté à l’île Maurice.

La distribution actuelle recouvre donc la majorité des zones de basse et moyenne altitude de l’île ainsi que le Cirque de Mafate ; dans l'ouest, des populations ont été observées jusqu’à une altitude de 950 m (cf. carte ci-des- sous). Les plus fortes pullulations sont enregistrées dans le nord, le sud et surtout l'ouest de l’île, les populations étant généralement plus faibles dans la zone « au vent », à l'est de l’île, où la pluviométrie est importante.

La plupart des pullulations ont, jusqu’à présent, été observées sur L. leucocephala, largement dominant en zone basse, mais de fortes attaques ont également été notées sur Leucaena diversifolia (Schlechr) Benth., par endroits à Trois-Bassins ainsi qu’à Saint-Paul (en pépi­ nière). A Bassin-Plat, nous avons également observé de faibles populations constituées d'adultes et de jeunes larves sur flamboyant (Delonix regia).

Après la première phase explosive de pullulation, les populations semblent soumises à des fluctuations sou­ vent brutales, notamment liées à la disponibilité des jeunes pousses de Leucaena.

Ile de la Réunion! St André

CONSÉQUENCES

SUR L’AGROFORESTERIE

Position du problème

liandra calothyrsus Meissn. Ces espèces sont testées en haies fourragères et en haies brise-vent, avec en toile de fond une importante perspective de lutte contre l’érosion.

De la famille des Mimosaceae (sous-famille des Mimosoïdeae), C. calothyrsus est une espèce originaire du Costa Rica très répandue en Amérique Centrale. A l’état naturel (sans coupes), elle peut donner un arbre d’une dizaine de mètres avec un diamètre de tronc attei­ gnant 30 cm.

La Possessi

Ste Suzanne

Bras Panon

BENOIT

Au moment de l’invasion de H. cubana, le CTRAD-Forêt expérimentait trois espèces ligneuses à caractère agrofo­ restier : Leucaena leucocephala, L. diversifolia et Cal-

St DENIS

Ste Marie

Répartition des psylles

Ste Rose

53


 A la Réunion, elle pousse entre 500 et 1 200 mètres actuellement. Sa croissance est rapide (2 à 4 mètres par an) et elle se montre tolérante vis-à-vis de l’acidité des sols. Elle possède une forte faculté à rejeter de souche mais est peu fructifère, ce qui en fait une espèce intéres­ sante en agroforesterie car peu envahissante en largeur (haies), mais très productive en matière végétale.

Son feuillage semble excellent en fourrage : il est nourrissant et, contrairement aux Leucaena, ne contient pas de mimosine. Il peut donc être donné au bétail en mélange dans des proportions plus importantes que Leu­ caena. Son enracinement est important et son potentiel de fixation symbiotique de l’azote est correct.

Enfin, C. calothyrsus a besoin d ’environ 1 000 mm de précipitations par an, mais est capable de supporter jusqu’à six mois de saison sèche marquée. Sa croissance est alors ralentie, mais elle peut donner du fourrage à une période où peu d’espèces utilisées pour l’affouragement produisent : de juillet à novembre à la Réunion.

Ces résultats présentent C. calothyrsus comme une espèce prometteuse en agroforesterie à la Réunion.

□ Evaluation de la sensibilité de Calliandra calothyrsus vis-à-vis du psylle

• Objectifs

Du fait que C. calothyrsus soit proche des Leucaena du point de vue systématique (Mimosaceae Mimosoï- deae) mais aussi de par son origine géographique (Amé­ rique Centrale), il nous a semblé intéressant d’évaluer sa résistance face aux attaques de H. cubana, en infestation artificielle.

Cette expérience, mise en place au début de février 1992 dans la zone de Trois-Bassins (côte Ouest), avait pour objectif principal d’observer le comportement du psylle du Leucaena sur C. calothyrsus (alimentation,

déroulement du cycle).

Si on force le psylle à rester sur Calliandra calothyr­ sus, il a plusieurs alternatives de comportement : s’en nourrir (source alimentaire unique) puis y pondre, être incapable de s’en nourrir mais y pondre ou encore être incapable de s’en nourrir et de pondre.

• Mise en place et résultats

Cette expérience a été effectuée sur la station expéri­ mentale ClRAD/iRAT de Cocatre (commune de Trois-Bas­ sins) à une altitude de 900 mètres.

Afin d’isoler des psylles sur des rameaux de C. calo­ thyrsus, nous avons utilisé des manchons en mousseline à maillage fin (300 |im) d’environ 40 cm de long pour un diamètre de 9 cm. Ce matériel a été préféré à de grandes cages capables de contenir un arbuste entier pour des rai­ sons de facilité d’emploi et vu que le psylle s’attaque aux jeunes pousses (bourgeons). De plus l'utilisation de man­

chons, qui isolent un bourgeon terminal et deux feuilles environ, a permis de travailler à la fois dans plusieurs directions et sur plusieurs plants.

54

Mise en place expérimentale : manchons sur rameaux de Calliandra calothyrsus.

Experimental sockets on Calliandra calothyrsus boughs.

Les psylles ont été capturés sur des plants de L. leuco­ cephala tout proches grâce à un aspirateur buccal. Ils sont récupérés dans une boîte calfeutrée de coton, puis relâchés dans les différents manchons qui sont fermés hermétiquement sur le rameau à l’aide d’élastiques. Les infestations ont eu lieu en deux temps, les 3 et 7 février

1992, et l’expérience a duré jusqu’au 26 février 1992. Le tableau ci-contre résume les résultats observés :

• Discussion

Dans la première série, le manchon témoin (Ll) est mis en place afin de suivre le développement d’H. cuba­ na in situ, mais aussi de remarquer les effets que pourrait entraîner leur emprisonnement dans le manchon. Il appa­ raît que le manchon joue un rôle protecteur qui favorise le développement des psylles. On a en effet une pullula­ tion de la population emprisonnée. Ceci pourrait s’expli­ quer par une protection contre les prédateurs locaux (punaises, coccinelles) mais aussi par un effet possible de régulation thermique (entre le jour et la nuit par exemple).

Il faut ensuite étudier le comportement des adultes « aspirés » afin de voir s’ils n’ont pas subi de dommages trop importants lors de leur collecte. Les résultats du manchon L2 (évolution identique à celle du manchon- témoin) et ceux des manchons D1 et D2 de la deuxième série (adultes introduits sur un rameau quasi vierge, mon­ trant un développement normal : ponte, éclosion, larves puis adultes), on peut dire que les psylles ne sont pas affectés par leur capture et leur déplacement sur un autre rameau.

Etant donné que dans C l et C2 le nombre d ’adultes vivants diminue régulièrement avec le temps, on peut penser que les psylles sont incapables de se nourrir et de pondre sur C. calothyrsus.


 Enfin, les résultats du manchon LC confirment le caractère non comestible de C. calothyrsus pour H. cuba­ na : les psylles pullulent dans le manchon en se nourris­ sant et en pondant sur le rameau de L. leucocephala jusqu’à le détruire entièrement. Lorsque ce dernier est quasiment mort (J + 14 et J + 19), on remarque une bais­

se du nombre d'adultes sans passage sur C. calothyrsus. En conclusion, cette expérience tend à montrer que C.

calothyrsus est totalement épargné par les attaques de H.

cubana. Il faudrait confirmer ces résultats en effectuant des expériences du même type à des altitudes et des périodes différentes bien que les conditions présentes, lors de l’expérience sur la station Cocatre, semblent favorables au développement des psylles (saison chaude, peu de pluies...), comme en témoignent les pullulations

dans les différents manchons de L. leucocephala et L. diversifolia.

L1

L. leucocephala

naturellement

infesté = témoin MISE W. L, A se trouvant

EN sur le rameau PLACE

W,LetA++

J+1 W. L et A++

J+3 W, L et A++

J+4 W et L+++, A++

J+7

J+8 W,LetA+++

J+ 10

J+11 W,LetA+++

rameau très détérioré

J+ 14 J+ 19

L2

L. leucocephala

W, L du rameau (A chassés)

+ adultes (1)

W,LetA++

W, L et A++

W, L et A++ W, L et A++

WetL++,A+++

W,LetA+++ rameau détérioré

Cl et C2

C. calothyrsus

sur rameau

« propre » = pas d'insectes visibles

+ adultes (1)

W,L0 ;A++

W et L 0 , A++ W et L 0, A+

W et L 0, A+, C-

WetL0,A—,C+

WetL0,A0,C++ (observation à la binoculaire)

LC

L. leucocephala infesté

+ C. calothyrsus « propre » dans le même manchon contact entre les deux rameaux

+ adultes (1)

D1 et D2

L. diversifolia

attaque naturelle peu importante

(quelques W , L et A) + adultes (1)

W etL—,A++

W et L+, A++ W et L, A++

WetL+++,A++

Evolution des populations de psylle en infestation artificielle sur Leucaena leucocephala, L. diversifolia et Calliandra calothyrsus

Première série du 03.02 au 14.02.92

Deuxième série du 07.02 au 26.02.92

J + 11 : Fin de la première série (destruction)

J + 19 : Fin de la seconde série (destruction)

(1): Adultes aspirés sur Leucaena leucocephala proche L : larves C :

Abréviations : W : œufs A :

Abondance :

W.LetA++(L. 1) W, L 0 , A - (C. c)

L. leucocephala

W, L et A++ W, L++, A+++

W.LetA+++ rameaumort

W, L 0 , A++, C+ W , L 0 , A —, C + +

+ : présence

0 : absence ++ : abondance cadavres d’adultes — : très peu +++ : pullulation

adultes

C. calothyrsus

W et L 0 , A+ W et L 0 , A+

WetL0,A++

W,L0,A++,C— W,LetA+++

W , L 0 , A —, C + (observation à la binoculaire)

W e t L + + , A + + + rameau détérioré

55


 PERSPECTIVES DE LUTTE

Dès l’apparition du problème à la Réunion, une réflexion préliminaire a permis de conclure que la lutte chimique ne pouvait constituer une solution. En effet, la plupart des produits efficaces contre le psylle peuvent s’avérer très dangereux, voire mortel, pour les petits ruminants, alors que les rares produits utilisables sans danger ne sont pas compatibles avec la lutte biologique.

La recherche de méthodes de lutte a donc été rapide­ ment orientée vers la lutte biologique ou l’utilisation de variétés résistantes ou tolérantes.

□ Lutte biologique

Des observations préliminaires ont été conduites notamment sur les foyers de Bassin-Plat dans le sud de l’île, en vue d’inventorier la faune auxiliaire se dévelop­ pant sur les populations du psylle.

Celle-ci semble surtout représentée par divers hétéro- ptères (au moins sept espèces encore non identifiées, dont l'une domine nettement), des araignées, ainsi que par la coccinelle polyphasé Exochomus laeviusculus Weise, largement répandue dans l’île. Cette dernière espèce était par exemple abondante sur le foyer de psylles de Trois-Bassins. D’autres prédateurs ont été observés en association avec les pullulations à'Heterop­ sylla cubana : des Chrysopidae, ainsi que le thrips Franklinothrips vespiformis Crawford.

Des contacts ont été rapidement pris en vue d’introdui­ re à la Réunion des ennemis naturels les plus prometteurs pour le contrôle d'Heteropsylla cubana. Ainsi, une souche de Curinus coeruleus a-t-elle été introduite de Thaïlande le 9 février 1992 (transmise par R. N acha- PONG, Entomology & Zoology Division, Department Agriculture, Bangkok), puis une souche d'Olla v-nigrum de Nouvelle-Calédonie le 27 mars 1992 (transmise par J. C hazeau, ORSTOM, Nouvelle-Calédonie). Ces deux espèces sont actuellement multipliées au Laboratoire

d'Entomologie du CIRAD-IRFA, en attendant qu’une déci­ sion éventuelle de lâcher soit prise très prochainement, en liaison avec tous les organismes concernés.

Des contacts ont par ailleurs été pris avec des col­ lègues asiatiques en vue d’introduire éventuellement des parasitoïdes du psylle. Le succès important de la lutte biologique contre les psylles vecteurs du greening des agrumes, à l’aide de deux espèces de Tamarixia exo­ tiques (Etienne & A ubert, 1979 ; A ubert & Quilici, 1983), permet d ’espérer que cette tentative d ’acclimata­ tion puisse se révéler utile, bien qu’il s’agisse dans ce cas d’un psylle beaucoup plus mobile au stade larvaire.

□ Utilisation de variétés résistantes à la Réunion

Les hypothèses selon lesquelles les Leucaena subis­ sent des attaques proportionnelles à leur niveau de stress semblent confirmées à la Réunion par les observations effectuées sur toute l’île. Notamment, le déséquilibre de répartition des attaques entre l’est et l’ouest qui corres­ pondrait à un stress hydrique : une saison sèche peu mar­ quée dans l’Est contre une sécheresse affirmée dans cer­ taines zones de l’Ouest particulièrement attaquées (Saint-Gilles par exemple).

Dans ces conditions, les variétés résistantes doivent être préalablement bien adaptées aux conditions du milieu dans lequel elles seront installées. C’est ainsi que le CIRAD/Forêt à la Réunion est en relation avec le N.F.T.A. (Hawaii) pour expérimenter des variétés résis­ tantes mieux adaptées au climat sec de la côte « sous le vent ».

Si les caractères d’adaptation aux conditions de milieu sont prépondérants, le facteur fécondité reste très impor­ tant. En effet, remplacer un L. leucocephala « réunion­ nais » par une variété mieux adaptée, donc plus résistante mais aussi moins prolifique, permettrait de conserver le rôle d’apport de fourrage du Leucaena tout en limitant l’occupation des fonds de ravine et des terres délaissées par une « cassi » parfois envahissant.

Cunnus coeruleus : 2 stades larvaires, pupe et imago. Curinus coeruleus : 2 grub instars, pupa and imago.


 H odktnson (1989) a récemment montré comment les îles Hawaii ont pu constituer un relais permettant à deux espèces de psylles d’origine néotropicale [H. cubana et H. huasache Caldwell) de franchir l’océan Pacifique.

Dans le cas d'H. cubana, la dispersion de l’insecte s’est ensuite effectuée très rapidement dans la majorité du Pacifique et du Sud-Est asiatique. Il est à craindre que l’arrivée récente du ravageur dans les deux principales îles des Mascareignes constitue également une étape intermédiaire lui permettant d’atteindre bientôt Madagas­ car et le continent africain.

Il nous paraît donc primordial de faire part le plus rapidement possible à nos voisins d’Afrique de notre courte expérience, afin qu’ils soient mieux préparés que nous à cette invasion qui semble maintenant inéluc­ table*. C’est aussi dans ce but que nous fournissons de nombreuses références bibliographiques sur le sujet.

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

ANONYMOUS, 1990. — The Leucaena psyllid : a serious threat to agroforestry in Africa. C A B International News, June 1990 : 5.

AUBERT (B.) et Q uilici (S.), 1983. — Nouvel équilibre biolo­ gique observé à la Réunion sur les populations de Psyl- lidés après l'introduction et l'établissement d'hyméno­ ptères chalcidiens. Fruits, 38, 11, 771-778.

Bahagiawati (A.-H.), Kamawdall (A.-A.-N.-B.), Siswanto and SVASTIKA (I.-B.), 1988. — The predation of Curi­ nus coeruleus Mulsant, the predator of Leucaena psyl­ lid Heteropsylla cubana. Industrial Crops Res. J., 1, 1, 32-36.

Belavadi (V. V.), Pal (R. N.), Ramesh (C. R.) and Jacob (T. K.), 1989. - Outbreak of the psyllid Heteropsylla cubana Crawford (Homoptera : Psyllidae) on leucaena in the Adamans Islands. F.A.O. Plant Prot. Bull., 37, 4, 178-179.

BOUCEK (Z.), 1988. — Tamarixia leucaenae sp. n. (Hymenop- tera : Eulophidae) parasitic on the leucaena psyllid Heteropsylla cubana Crawford (Hemiptera) in Trini­ dad. Bull ent. Res., 78, 545-547.

BRAZA (R. D.), 1987. — Studies on the Leucaena psyllid, Hete­ ropsylla cubana, in Surigao del Sur, Philippines. Leu­ caena Research Reports, 8, 1-6.

C.A.B., 1989. - News from c.l.B.c. cab International Institute of Biological Control, 10.

Des élevages de Curinus coeruleus et d 'Olla v-nigrum sont en cours au CIRAD-IRFA depuis quelques mois et, après concertation des parties concernées, il a été décidé d'effectuer des lâchers. Parallèlement, des contacts ont été pris avec le N.F.T.A. (H aw aii) par le CIRAD-Forêt afin de lancer à la Réunion des expérimentations sur des variétés de Leucaena résistantes au psylle. La lutte est donc engagée et nous souhaitons que les résultats intéres­ sants soient utilisés le plus largement possible. ■

REMERCIEMENTS

i.

Les auteurs tiennent à remercier très vivement le Dr HOLLIS (British Museum) qui a effectué ¡'identification du psylle, ainsi que R. NACHAPONG (Dept. Agrie. Bang­ kok, Thaïlande) et J. CHAZEAU (ORSTOM, Nouvelle-Calé- donie) pour l'envoi des souches de Coccinellidae.

* H. cubana a été récemment détecté (août 92) au Kenya.

CHAZEAU (J.), 1991. - Cycle de développement et table de vie d'Olla v-nigrum (Col. : Coccinellidae), ennemi naturel d'Heteropsylla cubana (Horn. : Psyllidae) introduit en Nouvelle Calédonie. Entomophaga, 36, 2, 275-285.

Darma, Jinadasa and SUTIKNO, 1989. —Secondary metabolites in Leucaena affecting resistance to Heteropsylla cuba­ na Crawford. Proceedings, Leucaena psyllid : Pro­ blems and Management. Bogor, Indonesia, pp. 62-70.

DONALDSON (J. F .), 1986. - The leucaena psyllid. News Bulletin Entomology Soc. Qd., 14 : 53.

Etienne (J.) and Aubert (A.), 1979. - Biological control of psyllid vectors of greening disease on Reunion Island, in « Calavan (E. C.), Garnsey (S. M.) and TlMMER (eds). Proc. of 8th I.O.C.V. Conference, publ I.O.C.V., Riverside », 118-121.

F u n a s a k i (G.), 1988. - Status of Psyllaephagus sp nr. rotundi- form is (Howard) (Hymenoptera : Encyrtidae) in

Hawaii. Leucaena research Reports, 9, 14.

Gopalan (M.), Jayaraj (S.), A rivanam (M.), Pillai (K.) and SUBBA RAO (P. V .), 1988. — New record of Heterop­ sylla cubana Crawford (Psyllidae : Homoptera) on Subabul. Leucaena leucocephala (Lam.) De Wit. in India. Current Science, 57, 20, 1124-1125.

HODKINSON (I. D.), 1989. — Jumping plant lice (psyllids) and significant aspects of two recent introductions into South America and the Pacific. F.A.O. Plant Prot. Bull., 37,4, 180-181.

HODKINSON (I. D.) and WHITE (I. M.), 1981. - The neotropical psylloidea (Homoptera : insect) : an annotated check list. J. natural History, 15, 491-523.

1.1.B.C., 1991. —Dossier on Tamarixia leucaenae, a candidate for biological control of leucaena psyllid in Asia and the Pacific. International Institute of Biological Control, 10 p.

Ch a z e a u

(J.), 1987. — Le psylle du faux-mimosa en Asie du Sud-Est et dans le Pacifique : état du problème et pers­ pectives de lutte (Leucaena leucocephala) (Lam) De Wit. — Heteropsylla cubana Crawford. Revue Elev. Médec. Vétér. Nouvelle Calédonie, 9, 23-27.

CONCLUSION

57


 Mc Fa d d e n (M.), 1987. - Development of regional plan to manage the leucaena psyllid, Heteropsylla cubana Crawford. W orkshop on Leucaena psyllid problems and solutions, Bangkok, 4 p.

M angoendihardjO (S.), 1989. — Some notes on the mass pro­ duction and establisment of Curinus coeruleus Mulsant (Col : Coccinellidae) in Central Java, in « SOSROMAR- SONO et al. (eds.) — Biological control of pests in tro­ pical agricultural ecosystems — Proc. Symp. in Bogor, Indonesia, June 1-3 1988 — Biotrp special Publication n° 36, 349 p. ».

Mitchell (W. C.) and Waterhouse (D. F.), 1986. - Spread of leucaena psyllid, Heteropsylla cubana in the Pacific. Leucaena Research Reports, 7, 6-8.

N a g a m in e (W. T.), 1989. — A study of hyperparasites of Psyl­ laephagus sp. nr. rotundiformis (Howard) (Hymenopte- ra : Encyrtidae). State of Hawaii, Dept. Agrie., unpubl. doc., 9 p.

Nakahara (L. M.) and Lai (P. V.), 1984. —Hawaii Department of Agriculture, Plant Pest Control Branch. Hawaii Pest Report, 4. 2, 2-8.

Nakahara (L. M.), Nagamine (W.), Matayoshi (S.) and K u m a s h i r o (B.), 1987. - Biological control program on the Leucaena psyllid, Heteropsylla cubana Craw­ ford (Horn. : Psyllidae) in Hawaii. Leucaena Research Reports, 7, 39-44.

Napompeth (B.), Mc Dicken (K. G.), Mc Fadden (M.) and Oka (I. N.), 1987. - A regional research plan for Leu­ caena psyllid control. Developped from F/FRED Leu­ caena psyllid regional research workshop held June 3- 5, 1987, Manilla, Philippines. Multipurpose tree Species Network Series : Paper-Forestry/Fuelwood Research and Development (F/FRED) Project, n° 2, 61 p. - Bangkok, Thailand ; Winrock International Institute for Agricultural Development, F/FRED Coordi­ nating Unit.

Napompeth (B.) and Mc Dicken (K. G.) (eds.), 1990. - Leu­ caena psyllid : problems and management. Proceedings of International W orkshop, Bogor, Indonesia, January 16-21, 1989, Winrock International/l.D.R.C./N.F.T.A.

NOYES (J. S.), 1990. - A new encyrtid (Hymenoptera) parasitoid of the Leucaena psyllid (Horn : Psyllidae) from mexi- co. Central America and the Caribbean. Bull. Ento. Res., 80, 37-41.

T

OKA (I.N.) and Bahagiawati (A. H.), 1988. —Comprehensive program towards integrated control of leucaena psyllid. a new insect pest of Leucaena trees in Indonesia. Indo­ nesian Agricultural Research and Development Jour­ nal, 10, 1,23-30.

Palmer (B.), Bray (R. A.), Ibrahim (T. M.) and Fulloon (M. G.), 1989. —The effects of the leucaena psyllid on the yield of Leucaena leucocephala cv. Cunningham at four sites in the Tropics. Tropical Grasslands, 23, 2, 105-107.

PARERA (V .), 1988. — The different effects of Heteropsylla cuba­ na infestations on two Leucaena-based land use sys­ tems in Nusa Tenggara Timor, Indonesia. Leucaena Research Reports, 9, 19.

POLLARD (G. V.) and Persad (A. B.), 1991. - Some ant preda­ tors of insect pests of tree crops in the Caribbean with particular reference to the interaction of Wasmannia auropunctata and the leucaena psyllid Heteropsylla cubana. In « C. P A VIS et A. KERMARREC (eds) — Ren­ contres Caraïbes en lutte biologique, Guadeloupe, 5- 7 novembre 1990, Ed. INRA, Paris (Les Colloques n° 58), 569 p. », 391-403.

Pratap Singh and Bhandari (R. S.), 1988. - The arrival of the leucaena psyllid in India. Leucaena Research Reports, 9, 20.

Pratap Singh and Bhandari (R. S.), 1989. - Further spread of leucaena psyllid, Heteropsylla cubana in India. Indian Forester, 115,5,303-309.

Siswanto and Soehardjan (M.), 1989. - Population develop­ ment study of Curinus coeruleus at Cimangu Experi­ mental Garden, Bogor. Industrial Crops Res. J., 2, 1, 36-41.

Thomas (P. I.) and Liebregts (W.), 1987. - Depredations of Leucaena leucocephala by psyllids in Western Samoa. Leucaena Research Reports, 8, 21-23.

V illacarlos (L. T.) and Robain (R. P.), 1989. - Entomoge- nous fungi infecting Heteropsylla cubana Crawford (Horn : Psyllidae) in Leyte, Philippines. Tropical Pest Management, 35, 2, 120-122.

W a a g e (J.), 1987. - A proposal for the the biological control of Heteropsylla cubana Crawford, a pest of Leucaena ssp in Asia and in the Pacific. CAB International Institute of Biological Control, Silwood Park, Ascott, 12 p.

W aterhouse (D. F.) and Norris (K. R.), 1987. - Biological Control : Pacific prospects. Inkata Press. Melbourne, 454 p.

Withington (D.)andBrewbaker (J.L.)(eds),1987.- Procee­ dings of a Workshop on biological and genetic control strategies for the leucaena psyllid, November 3-6, 1986, Molokai and Honolulu, Hawaii, sponsored by n .f.t.a . and Winrock International —f/fred —Leu­ caena Research Reports, 7,2.

58


 THE LEUCAENA PSYLLID IN REUNION

The extent of damage and prospects of biological control François V a n d e s c h r i c k e , Serge Q u i l i c i , Jacques G a u v i n , Y ves R o e d e r e r

In mid-December 1991 an outbreak of a psyllid hitherto unknown in Reunion was observed on Leucaena leucocephala (Lam.) De Wit, a ligneous plant widely used by farmers for animal fodder and for windbreak hedges. Damage, sometimes considerable, was noted over most of the island. Dr HOLLIS of the British Museum identified the insect as Heteropsylla cubana Crawford, the Leucaena psyllid.

LEUCAENA PSYLLID

This psyllid originated in South Ame­ rica ; it spread to the United States, arri­ ved in Hawaii in 1984, and progressively invaded the whole of the Pacific and South-East Asia (1985-86) and then India (1989), notably borne by the wind.

It is a small (1 to 2 mm) sap-sucking insect (both the adult and the larva) which mainly attacks the genus Leucae­ na. Under favourable conditions (in the warm, dry season) it reproduces very rapidly, and can completely defoliate the host plant, kill the terminal shoots, and inhibit blossoming. Its attacks are reco­ gnizable by a substantial production of honeydew on the boughs and can result finally in the death of the host plant.

The indigenous natural enemies of the Leucaena psyllid have been studied in the various regions affected ; they include entomopathogenic fungi, parasitoids, and predators (coccinellids, syrphids, chryso- pids, bugs, ants and spiders). Among those which are most specific to the psyl­ lid are two Coccinellidae : Curinus coe­ ruleus Mulsant and Olla v-nigrum Mul­ sant. They have been studied and introduced in numerous countries affec­ ted by Leucaena psyllid, with somewhat encouraging results.

Parallel with this, biological control is being developed towards the selection of species and hybrids of Leucaena which

are resistant to psyllid attack. At the pre­ sent time, there are some fifteen worth­ while resistant species and some sixty hybrids, but for a given species resistance seems to be limited to a climatic zone ; this points to the possibility that psylla attacks are proportional to the intensity of the stress to which the host plant is sub­ jected (climate, soil, etc.).

CURRENT SITUATION AND PROSPECTS OF CONTROL IN REUNION

Leucaena leucocephala has for long been established in the Mascarene Islands. In Reunion, it grows at an altitu­ de of up to 600 metres, and prefers the leeward coast, where the climate is war­ mer and dryer. In its wild state, it deve­ lops on the sides of ravines and on unten­ ded farmland. Its capacity for rejection and its highly fructiferous nature can make it encroaching, but the trimming to which it is subjected, especially in the dry season, limits its extension ; it is gathered by farmers in the ravines. Because of the widespread use of this leguminous plant as animal food for bovines, sheep and goats (despite the presence of mimosin) and for windbreak hedges, the socio-eco­ nomic impact of the attack of Heteropsyl­ la cabana in Reunion is regarded as not insignificant, and justifies the adoption of a control strategy.

When Reunion was invaded by the psylla, CIRAD-Forêt/O.N.F. tested three leguminous plants of an agroforestry nature : Leucaena leucocephala, L. diver­ sifolia (Schlechr.) Benth., and Calliandra calothyrsus Meissn., in the context of an experiment on animal fodder and wind­ breaks in the uplands of the island, against the background of efforts to com­ bat erosion. Calliandra calothyrsus pro­ ved to be promising, and though the two species of Leucaena were attacked by the

psyllid, it seemed worth-while evaluating its resistance to artificial infestation by Heteropsylla cubana. The results tended to indicate¿hat Calliandra calothyrsus is completely spared by the Leucaena psyl­ lid ; the adults are unable to feed or lay eggs on it.

Control measures against Heteropsyl­ la cubana were prepared. After elimina­ ting the possibility of chemical control (because of the use of substances that are toxic for small ruminants and for reasons of incompatibility with existing biological preventive actions in agricul­ ture), attention was given to biological control. This can be conducted on two fronts :

• In the medium term, releasing insects that prey on psyllid, CIRAD-IRF A already has two stocks currently bree­ ding : Curinus coeruleus (from Bang­ kok) and Olla v-nigrum (from New Caledonia). The first releases have already begun. Contacts have been esta­ blished with Asiatic colleagues for tests with exotic Tamarixia.

• In the longer term, replacing spe­ cies of Leucaena by psylla-resistant varieties. Contacts have been established b etw een CIRAD-Forêt/O.N.F. in Reunion and N.F.T.A.* in Hawaii to set up experi­ ments along these lines in Reunion.

In conclusion, it can be said that in view of the direction of the natural dis­ persion of psylla from Hawaii, M ada­ gascar, and subsequently the African continent, are directly threatened. It is therefore of prime importance to acquaint our African neighbours with our short experiment as soon as pos­ sible, so that they may prepare for this invasion which now seems ineluctable.

* Nitrogen Fixing Tree Association.

59

© François DUBAN 2019