Une plante proto-carnivore



Texte de Nicole Crestey sur Erica galioides 

L' observation d'insectes piégés et morts a été faite sur Erica galioides, le thym marron, espèce endémique de la Réunion qui possède des poils glanduleux  sur les rameaux, les feuilles, les pédicelles, les sépales. Le caractère collant de cette plante est souligné par le nom de l’espèce, galioidesGalium, semblable au gaillet ou , qui, lui,  a la propriété de s’accrocher à la peau ou aux vêtements grâce à de minuscules crochets de ses feuilles et de ses tiges comme le « velcro ». Dans la Flore des Mascareignes, volume 112, p. 7 et 8,  F. FRIEDMANN (ORSTOM et Muséum National d’Histoire Naturelle de Paris) dit : « L’extrémité glanduleuse rouge des poils peut sécréter une glu incolore qui ne sèche pas (sur des herbiers récoltés il y a vingt ans on trouve encore des poils gluants, Bosser 11893, P), ce qui rend les feuilles et l’ensemble de la plante gluants. Chez certaines plantes également gluantes, la glande est sessile sur la marge des feuilles. D’autres plantes ne sont pas gluantes soit parce que la sécrétion de glu ne se fait pas, bien que les poils glanduleux soient apparemment normaux, soit parce que la partie glanduleuse manque totalement à l’extrémité des poils qui sont alors dendritiques. Les plantes dont les poils glanduleux sont très réduits, grêles, à extrémité non sécrétrice, sont également non gluantes. La plupart des échantillons peu pubescents et non gluants (poils glanduleux très réduits) proviennent des régions les moins élevées : Bébour, Plaine des Cafres. Les échantillons typiquement glanduleux, à feuilles gluantes, proviennent le plus souvent d’altitudes plus élevées : Pic du Maïdo, Caverne Dufour, pentes du Piton de la Fournaise. Seuls les rameaux jeunes, en croissance active sont gluants et non les rameaux âgés, les poils glanduleux étant caducs. Dans la phase gluante, Erica galioides piège un certain nombre de petits insectes et des éléments transportés par le vent, graines, etc. (les poils gluants ressemblent beaucoup à ceux des Drosera, plantes carnivores, mais ce n’est là qu’une ressemblance superficielle). La raison d’être des poils gluants n’est pas évidente, ils pourraient jouer un rôle dans la dissémination par les oiseaux ». Cette espèce pousse jusqu'à 2600m sur le Piton de La Fournaise sur des sols purement minéraux. La carnivorie, réelle ou non,  expliquerait peut-être la colonisation de sols aussi pauvres par Erica galioides. Dans une de ses premières publications sur les plantes carnivores en 1875, Charles Darwin avait d'ailleurs suggéré qu'un certain nombre de plantes ayant développé des glandes adhésives, comme Erica tetralix, du même genre que Erica galioides, puissent s'avérer carnivores pour peu que quelques études approfondissent le sujet. En 1875, Darwin ne fit que mentionner ces espèces, sans lui-même poursuivre ces recherches, cantonné qu'il était sur le genre Drosera. Les insectes piégés par Erica galioides sont condamnés. Morts, ils vont se décomposer sous l’action d’enzymes produites par la plante ( ?) ou par des bactéries de l’environnement. Dans les deux cas, les nutriments seront entraînés par les pluies au pied de la plante. Permettront-ils une nutrition améliorée dans un sol purement minéral dépourvu d’azote ? F. FRIEDMANN a noté que le caractère glanduleux n’était pas constant. La production de glu représente un coût non négligeable pour cette plante qui ne dispose pas de ressources minérales  abondantes. Elle semble être plus fréquente chez les plants en croissance  active et chez les plants d’altitude élevée. Elle présenterait un caractère adaptatif évident si la protocarnivorie était avérée. Notons que l’ordre des Ericales inclut parmi ses familles celle des Sarracéniacées, famille de plantes carnivores (Sarracenia 11 espèces, Heliamphora 15 espèces et Darlingtonia californica)  et celle des Roridulacées, qui compte deux espèces endémiques d’Afrique du Sud qui capturent des insectes mais ne les digèrent pas. C’est une punaise qui vit sur ces plantes sans s’engluer qui se nourrit des proies et nourrit indirectement les plantes par ses déjections. Jean-Marc GRONDIN a observé que les azalées, également de la famille des Ericacées, piègent des insectes.

                                                                                  

© F. Duban 2015