Les visiteurs se regroupent face au Lycée sur les hauteurs de Saint-Paul. Les élèves nous font un exposé préliminaire à la visite.
Il existe au moins deux types de verger. Les vergers de collection (manguiers, ...) , les vergers d'exploitation (banane, pitaya, mangue,...). Signalons l'importance du verger où sont cultivés des manguiers porte-greffe.
De nombreux sites sur l'île sont associés à la conservation des diverses espèces d'arbres fruitiers, par exemple l'Étang-Salé.
Les vergers que nous allons visiter servent aussi de supports pédagogiques. Ils permettent ainsi la mise en place de filières de production après expérimentation et et développement.
Monsieur Didier VINCENOT de la Chambre d'agriculture, grand expert en matière de culture de la mangue, répond aux questions des élèves. Rappelons qu'il est l'auteur d'un superbe livre qui fait autorité en la matière :
Vincenot, Didier, et Dominique Mong-Hune. Mangues De La Réunion: Origines, Histoire, Caractéristiques, Usages Culinaires. Saint-André, La Réunion: Océan Éditions, 2004.
La présentation de la visite par les élèves aborde différents sujets.
L'histoire de la mangue à la Réunion.
Elle est arrivée d'Inde en 1770. Les noyaux, plus faciles à transporter, plantés dans ce qui deviendra les vergers du Tour des Roches, furent apportés par des navigateurs de la Compagnie des Indes.
Les différentes variétés présentes sur l'île sont nombreuses,
La José, mangue à l'origine venue d'Inde, mais désormais propre à la Réunion et Maurice, est bien connue de tous. Les premières variétés étaient fibreuses, mais par sélection on a obtenu les fruits que l'on déguste de nos jours. Une filière et un marché sont désormais bien installés sur l'île.
Monsieur VINCENOT insiste sur l'importance d'avoir plusieurs variétés de mangue— 3 à 4 au minimum — dans un verger. Un verger n'ayant qu'une seule variété est plus sensible à une attaque parasitaire.
Les visiteurs sont ensuite invités à se rendre au verger. Ils longent en route un champ de Pitaya.
Sur place, la présentation des variétés de mangue les plus reconnues nous est faite.
La José normande, qui se complaît du côté de Saint-Philippe où il pleut beaucoup, comme en Normandie.
La Léonard, sensible à la bactériose, mais délicieuse et le meilleur choix pour un particulier.
La Tommy Atkins, mangue américaine. Rappelons qu'aux États-Unis il existe au moins onze centres de recherche consacrés à la mangue en Floride, d'où le succès planétaire des mangues américaines.
La Cécile, super mangue, qui résiste bien aux maladies, très rare. Mais elle mûrit en janvier - février en prériode cyclonique.
Les mangues les plus recherchées, celles dotées de 4 étoiles, sont ainsi des mangues précoces ou tardives.
La Nam Doc Maï originaire de Thaïlande est une mangue précoce, fine au goût, très recherchée.
La Caro, proche de la José, excellente au goût.
La Divine présente dans quelques vergers du côté de l'Etang-Salé, très juteuse.
Pur produit bio, la Mangue rougail, mangue sauvage trouvée au fond des ravines, fruit du hasard, fait les délices des connaisseurs.
Monsieur VINCENOT rappelle que pour l'éleveur un élément essentiel à prendre en considération est la sensibilité d'une espèce aux ravageurs, aux bactéries, aux champignons. Sans parler de la localisation du verger. Ainsi la mangue José au-dessus de 400 mètres ne donnera pas de bons résultats.
Il existe une hybridation naturelle entre ces variétés.
La pollinisation des panicules (inflorescences) se fait peu par les abeilles mais par divers insectes, des mouches, des syrphes qui ressemblent à des abeilles. Le manguier n'est pas mellifère.
La panicule peut compter jusqu'à 2000 fleurs dont très peu d'hermaphrodites. Il en résultera le développement de 2 à 3 fruits !
2016 aura été une année difficile pour les manguiers, qui ont subi les assauts de vents froids durant l'hiver austral, ainsi que les attaques de l'oïdium (champignon).
Monsieur VINCENOT rappelle encore que les 85 producteurs à la Réunion se tournent de plus en plus vers ce qu'il est convenu d'appeler "le bio", même si l'utilisation des produits chimiques est encore très souvent nécessaire. Mais la lutte biologique fait d'incontestables progrès.
Cette lutte biologique dépend beaucoup de la biodiversité présente dans un verger.
Rappelons qu'à l'issue de la Deuxième guerre mondiale, les pesticides ont été largement utilisés. La pollution des sols et des eaux a suivi, mais les principales victimes de ces produits furent les utilisateurs eux-mêmes.
L'Europe est en tête pour limiter l'usage de ces produits nocifs, toujours utilisés en Amérique, en Asie et en Afrique.
La lutte biologique est donc à encourager, mais il faut rester compétitif sur le marché.
??? Les psylles contre lesquels a été introduite une micro-guêpe est un exemple de cette approche.
Mais l'introduction d'espèces exotiques même a priori bénéfiques est désormais très problématique après les critiques qui ont suivi l'introduction de la mouche bleue dans la lutte contre la vigne marron.
Parmi les prédateurs, « la cécidomyie des fleurs, Procontarinia mangiferae, est un bio- agresseur majeur, entraînant de forts dégâts économiques ». Source
Cette lutte biologique est facilitée par la présence d'un tapis enherbé dans le verger, où va pouvoir se développer une biodiversité et les luttes ravageur-auxiliaire (le prédateur du ravageur). Différentes variétés de petites coccinelles sont de bons auxiliaires.
Il vaut mieux savoir quels sont les ravageurs et les prédateurs présents dans son verger pour optimiser la lutte biologique et plutôt que d'engager systématiquement la lutte chimique, mieux vaut laisser faire la nature si possible.
Pour cela le parapluie japonais s'impose. Il est disposé sous l'arbre, dont on secoue les branches (battage). Après quoi on identifie dans le parapluie les ravageurs, les prédateurs de ravageurs (auxiliaires), le ratio entre ravageurs et auxiliaires, pour savoir si la lutte biologique peut suffire. Les meilleures récoltes de petites bêtes se font à la floraison. Une vingtaine de battages par saison est recommandée.
On étudie la possibilité de planter des plantes mellifères près des vergers pour attirer les ravageurs. Cette technique est toutefois gourmande en eau et en temps.
Les pièges sont aussi un moyen de lutte. Ils sont soit attractifs (alimentaires, hormones) soit englués.
La lute biologique demande plus de soin que la lutte chimique contre les ravageurs de verger, mais elle a cet avantage de s'en remettre à des processus dynamiques et naturels, alors que les ravageurs finissent par s'adapter à un pesticide, dont il faut renforcer les doses ou la nocivité.
Les 85 producteurs de mangues sur l'île, dont trois strictement "bio", mais de plus en plus suvis par leurs confrères, ont un bel avenir devant eux avec la perspective d'un île bientôt peuplée d'un million d'habitants. Il faut un verger d'un minimum de 5 hectares plantés de différentes variétés de manguiers pour être assuré de revenus permettant de vivre décemment.
La visite est suivie d'une dégustation très, très appréciée !
Le pique-nique aura lieu sous les grands arbres dont des manguiers du Parc Rosthon à La Possession.