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La zone des cinquante pas géométriques


La réserve domaniale dite des cinquante pas géométriques est constituée par une bande de terrain délimitée dans les départements de la Réunion, de la Guadeloupe et de la Martinique. Elle présente une largeur de 81,20 mètres comptée à partir de la limite du rivage de la mer tel qu'il a été délimité en application de la législation et de la réglementation en vigueur à la date de cette délimitation. L’existence de cette zone permet concrètement de compenser la limitation du DPM (domaine public maritime) qui dans les DOM, n’est matérialisée que par une bande de terrain très étroite en bord de mer, en raison de la faible amplitude des marées.

Historique

C’est une création de Colbert au  XVIIème siècle. Elle est fondée sur des motivations stratégiques et par un souci de protection des habitants comme le montre le rapport de De Baas, gouverneur des Iles d’Amérique à son ministre Colbert le 8 février 1674 :
« Je ne sais pas, Monseigneur, si quelqu’un vous a jamais expliqué pourquoi les cinquante pas du Roi ont été réservés dans les isles françaises de l’Amérique, c’est-à-dire pourquoi les concessions des premiers étages n’ont été accordées aux habitants qu’à condition qu’elles commenceront à 50 pas du bord de la mer et que cette ceinture intérieure qui fait le contour de l’isle ne peut être donnée en propre à aucun habitant pour plusieurs raisons judicieuses et avantageuses au bien des Colonies.
 La première a été pour rendre plus difficile l’abord des isles ailleurs que dans les rades où les bords sont bâtis, car 50 pas de terre en bois debout très épais et difficiles à percer est un grand empêchement contre les descentes de l’ennemi.
Secondement, les 50 pas sont réservés pour y faire des fortifications, s’il est nécessaire, afin de s’opposer aux descentes des ennemis et on a réservé cette terre pour ne rien prendre sur celle des habitants qui autrement auraient pu demander des dédommagements. En troisième lieu cette réserve est faite afin que chacun ait un passage libre au long de la mer, car sans cela, les habitants l’auraient empêché par des clôtures et par des oppositions qui, tous les jours, auraient causé des procès et des querelles parmi eux. En quatrième lieu, pour donner moyen aux capitaines de navires qui viennent aux isles d’aller couper du bois dans les 50 pas du Roi, pour leur nécessité car sans cela les habitants ne leur permettraient d’en prendre qu’en payant. La cinquième et la plus essentielle raison est celle de donner moyen aux artisans de se loger, car ils n’ont aucun fonds pour acheter des habitations, et qu’ils n’ont pour tout bien que leurs outils pour gagner leur vie. On leur donne aux uns plus, aux autres moins, des terres pour y bâtir des maisons mais c’est toujours à condition que, si le Roi a besoin du fonds sur lequel ils doivent bâtir, ils transporteront ailleurs leurs bâtiments. Or, sur ces 50 pas sont logés les pêcheurs, les maçons, les charpentiers etc, personnes nécessaires au maintien des colonies. »

Au cours de l’histoire, des parcelles de terrains de la zone des cinquante pas ont fait l'objet d'appropriation privée. Notamment, depuis la loi n° 55-349 du 2 avril 1955 et son décret d'application n° 55-885 du 30 juin 1955 qui classe la zone des cinquante dans le domaine privé de l'Etat, donc aliénable et prescriptible : ainsi les parcelles de cette zone pouvaient être cédées à titre onéreux.

Ce n'est qu'entre 1962 et 1974, dates des premiers arrêtés délimitant le rivage de la mer, que cette zone a fait l'objet d'une délimitation cartographique précise. A partir du rivage de la mer (font partie de la mer les mangroves, marais salants, et les endiguements, ...) a été tracée à 81,20 mètres, en amont dans les terres, une ligne fictive délimitant, de façon définitive et immuable, la limite supérieure de la zone des cinquante pas géométriques. Cependant, les limites du rivage de la mer pouvant bouger (par l'effet notamment des éléments naturels ou par la volonté de l'Etat qui a compétence en la matière) la largueur de la bande des cinquante pas a varié avec le temps.

Face à la pression foncière liée au développement de l'offre touristique, la loi n° 86-2 du 3 janvier 1986 dite «  loi littoral », reclasse la zone des cinquante pas dans le  DPM, domaine public maritime de l'Etat, inaliénable et imprescriptible : aucune cession même à titre onéreux, aucune appropriation par prescription n'étant alors possible.  Elle permet ainsi la sauvegarde de la bande littorale et son affectation à un usage public. Ne font pas partie du domaine public maritime de l'Etat : les terrains appartenant en propriété à des personnes privées ou publiques qui peuvent justifier de leur titre, les terrains domaniaux gérés par l'ONF/Office national des forêts, les immeubles qui dépendent soit du domaine public autre que maritime, soit du domaine privé de l'Etat affecté aux services publics.  Toutefois, le décret d’application du 13 octobre 1989 relatif à la zone des 50 pas a permis à l’Etat de céder aux particuliers certains terrains occupés avant 1986, à condition qu’ils soient situés dans des terres déjà urbanisées et équipées. En effet, subsistaient encore sur ces terrains de nombreuses familles sans titre et dont l’occupation était pourtant légitime. Dans le même temps, le législateur a prévu de confier au Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres l'administration des zones naturelles de la bande des cinquante pas géométriques en Guadeloupe, Martinique, Guyane, à la Réunion et à Mayotte (lois du 30 juillet 1996 et du 27 février 2002). Rapidement exposée à une occupation humaine en expansion continue, elle est aujourd'hui le lieu d'une forte pression urbanistique où les nécessités du développement viennent contrarier les objectifs de protection du patrimoine.  La loi n° 96-1241 du 30 décembre 1996 relative à l'aménagement, la protection et la mise en valeur de la zone dite des cinquante pas géométriques dans les départements d'outre-mer se propose : " de régulariser la situation des occupants sans titre en leur permettant d'acquérir le terrain qu'ils occupent à usage d'habitation principale", afin d'améliorer la salubrité et le confort d'immeubles trop souvent " autoconstruits " dans des conditions difficiles et précaires, de favoriser les politiques d'aménagement de ces zones en créant un opérateur qui aura la charge de les conduire en partenariat avec les communes ... , de mieux protéger et gérer les espaces naturels dans le domaine public de cette zone en en confiant la gestion au Conservatoire du Littoral..., de faciliter le développement de l'activité économique dans les parties urbaines de la zone des 50 pas géométriques, en élargissant les possibilités d'implantation à de nouvelles activités telles que commerces, structures artisanales et hôtels ".

Le rapport d'évaluation sur la gestion de cette zone dégage cinq axes de réflexion autour desquels est ordonnée une vingtaine de propositions. Ils visent à optimiser les effets de la loi du 30 décembre 1996, réaffirmer le positionnement de l'Etat, conforter le binôme aménagement et environnement, améliorer l'efficacité des services et conforter dans leur métier les agences de mise en valeur de la zone.

 

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© François DUBAN 2011