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Végétation éricoïde

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Phylica nitida

Le groupe se retrouve sous un immense ciel bleu au Pas des Sables, là où le regard tutoie les cimes et contemple un paysage ourlé au loin de l'écume des vagues immobiles de l'océan Indien. Alentour domine une végétation éricoïde — qui rappelle par sa forme et son port la bruyère, erica en latin. Ainsi du branle vert, mot d'origine de l'Ouest de la France — on dit brande aussi dans le Sud-Ouest, qui est une bruyère. Mais le Branle blanc n'en n'est pas, il est de la famille des Astéracées.

Nicole CRESTEY profite de ces précisions taxonomiques pour dire quelques mots sur l'évolution de cette science. La classification classique, fondée au départ sur la descritpion de la fleur de la plante, a été reconsidérée pour une classification moderne qui s'organise à partir d'un ancêtre commun. Mais au final, on s'aperçoit que la classification classique avait assez bien réussi sa tâche. Il n'empêche : les malheureuses Myrcinacées ont disparu au profit des Primulacées, et les Liliacées ont des ancêtres différents.

Le milieu donne leur aspect aux plantes qui y vivent et s'y adaptent. Ici les extrêmes de température les ont amenées à se mettre en boule, pour se protéger du froid extrême et de la chaleur implacable, comme du rayonnement solaire : d'où des feuillages réduits. Le blanc est aussi une parade : le Branle blanc en est un exemple. Ces plantes survivent souvent sur la roche. 

Un témoin de ces adaptations est un Tamarin des Hauts réduit ou presque à l'état de bonzaï faute de sol et de conditions favorables. C'est un acacia à phyllodes, et comme toutes les variantes de l'Indo-pacifique, son ancêtre est originaire d'Australie.

Autres exemples de plantes au port de Bruyère, le Hubertia tomentosa (Ambaville blanche ASTERACEE, fleurs jaunes ), qui ressemble beaucoup au Hubertia tomentosa var conyzoides Petit ambaville ASTERACEE fleurs jaunes aussi) tous deux endémiques de la Réunion. Tous deux ressemblent furieusement au 42 Phylica nitida Ambaville RHAMNACEE Mascareignes — comme le révèle le nom vernaculaire —, mais ce dernier a des fleurs blanches... 

Quelques pieds de Fleur jaune (33 Hypericum lanceolatum angustifolium Fleur jaune HYPERICACEE Réunion) ajoutent à la confusion dans les jaunes. Endémique des Hauts de l'île, elle se distingue par ses feuilles aux nervures parallèles.

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Sophora denudata

Mais ici l'arbre qui doit retenir l'attention est un arbre fontaine, typique du massif du volcan, un autre Tamarin adapté à ce milieu hostile, le Petit tamarin des hauts (55 Sophora denudata Petit tamarin des hauts FABACEE Réunion).  

Un membre du groupe a apporté une boussole (en glaise, private joke) qui permet de montrer, en la posant sur une roche proche, qu'à cet endroit précis (la roche) le nord magnétique est... au sud. Au départ il s'agissait de vérifier que les grains de magnétites dans le "sable" alentour affolait la boussole. Faute de sable, on a placé la boussole sur la roche qui, à dix centimètres près, détourne l'aiguille de l'instrument en l'occurrence ici vers le sud. Le basalte fossilisé a gardé la mémoire du pôle magnétique au moment de l'éruption qui l'a porté à la surface.

Pour revenir aux Tamarins, rappelons que sur l'Île de la Réunion on en compte quatre : 

Tamarindus indica (Tamarin des bas alias Tamarin,Tamarin pays,Tamarinier)

Sophora denudata, 

Acacia heterophylla (Grand Tamarin des hauts), 

Pithecellobium dulce (Tamarin de l'Inde) — des Indes occidentales en l'occurrence.


Parmi les autres plantes observées sur le sentier du bord du rempart, on citera :

23 Faujasia pinifolia  ASTERACEE Réunion qui doit son noom à sa ressemblance avec le pin.

2 Agarista buxifolia Petit bois de rempart ERICACEE Réunion, Mada. Redoutable poison qui serait la première cause d'empoisonnement des enfants à la Réunion.

6 Benthamia sp.   ORCHIDACEE Mada., Mascareignes, orchidées dont on a trouvé plusieurs exemplaires.

53 Rumex obtusifolius  POLYGONACEE Eurasie, Afr. N

21 Erigeron karvinskianus Marguerite folle, Pâquerette ASTERACEE Mexique

Parmi les trois Carex, 

8 Carex borbonica  CYPERACEE Réunion

9 Carex boryana Zoumine CYPERACEE Mascareignes

10 Carex ovalis Laîche des lièvres CYPERACEE Hémisphère N

c'est le borbonica que nous avons dû rencontrer : c'est une Cypércée à la tige triangulaire.

20 Erica galioides Thym marron ERICACEE Réunion

31 Hubertia tomentosa Ambaville blanche ASTERACEE Réunion déjà mentionnée

35 Ischaemum koleostachys  POACEE Mascareignes se distingue par ses deux épis sur la même inflorescence, 

42 Phylica nitida Ambaville RHAMNACEE Mascareignes (fleurs blanches) déjà mentionnée

32 Hubertia tomentosa var conyzoides Petit ambaville ASTERACEE Réunion (fleurs jaunes) déjà mentionné.

La vue sur la Plaine des Sables le long du sentier du bord du rempart que nous empruntons reste toujours stupendous comme on dirait outre-Manche, à couper le souffle en bon français, et en français tout court. 

Le Piton Chisny qui domine la Plaine des Sables est lui-même dominé par la lointaine et vaguement menaçante masse du volcan. Il y a eu plusieurs Pitons Chisny  dont les éruptions s'étalent entre mille à 360 ans en arrière. Une des éruptions a suivi la Ravine Langevin jusqu'à la mer. Chisny était, croit-on, ingénieur doté d'un remarquable matériel de topographie au moment où Bory de Saint-Vincent, à 22 ans, était sur l'île pour quatre mois en 1801. Bory et Chisny ont pu ainsi faire un remarquable travail de relevés topgraphiques du massif du volcan avec ledit matériel. Chisny a disparu après. Mystère. Bory reconnaissant a donné son nom au Piton éponyme désormais.

Il a pour frère le Piton Haûy, du nom du frère minéralogiste de l'abbé qui fonda l'Institut pour les enfants aveugles à Lyon.

La sortie se termine par un pique-nique sympathique près d'un bosquet de Tamarins des Hauts petits : le lecteur et la lectrice attentifs auront compris l'importance de la place du deuxième adjectif ici.

© F. Duban2013